Lancelot VOISIN
Ses parents sortaient de la classe intermédiaire des propriétaires, qui se confondait alors avec la petite noblesse, et s'étaient enrichis dans les fermes, particulièrement dans celle de l'abbaye de Moreilles, quoi qu'ils eussent embrassé les idées de la réforme ; mais avant d'être agriculteur, son père avait porté les armes et fait les guerres d'Italie. Il eut pour parrain Lancelot du Bouchet, ce terrible baron de Sainte-Gemme qui incendia, à la tête des huguenots, les églises de Poitiers.
Élevé dans les meilleures universités, le jeune Voisin de la Popelinière se fit de bonne heure estimer des hommes de son parti, qu'il servit bravement de sa plume et de son épée . Tous les historiens impartiaux reconnaissent que notre illustre compatriote est l'un de ces rares et recommandables écrivains qui ont pris la plume pour la défense de la vérité. S'élevant au-dessus des passions vulgaires des partis, il a su rendre justice à tous, et n'a pas reculé dans cette tâche périlleuse et devant les rancunes et les menaces de vengeance des hommes puissants qu'il osait démasquer. Il avait raison de choisir pour devise : « Dieu Est Mon Rampart ». Au moment où parut l'édition de son Histoire de France, imprimée à la Rochelle, en 1581, en deux volumes in-folio, il fut tout bonnement question de se défaire de lui par un coup d'arquebuse ou de poignard, et l'on vit à la tête de ses ennemis déclarés le roi de Navarre et le prince de Condé.
En dehors de son Histoire de France, où se reconnaît toujours le style d'un capitaine, d'un homme de guerre et d'un homme d'état, La Popelinière a publié notamment :
1° La vraie et entière Histoire des Troubles et choses mémorables, advenues tant en France qu'en Flandre et pays circonvoisins, depuis 1562, remplie de détails historiques sur les troubles de la Guyenne et du Poitou ; le fameux siège de Poitiers y est écrit avec toute l'exactitude possible, et on peut dire que peu de nos modernes ont si bien réussi.
2° L'Histoire des Histoires, livre qui mérite encore d'être lu ; La Popelinière y fait une critique souvent très judicieuse des auteurs de toutes les nations ; on y trouve une infinité d'observations excellentes, et l'on peut dire que c'est la première méthode de l'histoire qui ait paru.
3° Une traduction sur l'Italien de Bernardin de Roque de Plaisance. Dans cet ouvrage, traitant de questions militaires, l'auteur y donne des leçons et des moyens de se bien conduire à un général, soit pour former le soldat à l'obéissance qu'il doit à son capitaine, soit pour l'observation de la discipline dans les marches et les campements, dans l'attaque et dans la défense, et même dans le cas d'une surprise, d'une rencontre, des détachements et des batailles rangées.
4° Les Trois Mondes ; 5° L'Amiral de France ; 6° Premier langage usité entre les Français ou Gaulois et les changements d'icelui, etc.
Au moment de sa mort, arrivée à Paris le 8 janvier 1608, l'année du grand hiver, Lancelot VOISIN était réduit à la plus profonde détresse, sort ordinaire des cœurs honnêtes et désintéressés. Ayant toujours été touché de l'intérêt et du juste durant toute sa vie, c'eût été miracle que sa fin n'eut pas été telle. Il fut enterré au cimetière des huguenots, faubourg Saint Germain, par les soins du ministre du Moulin et aux frais de Scarron, l'apôtre, son parent du côté de sa première femme, Marie Bobineau « auquel il a coûté cinq livres tournois ».